Souleymane Bachir Diagne – Islam et société ouverte: la fidélité et le mouvement dans la philosophie de Muhammad Iqbal

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Il y a de ces  » modernismes  » passagers, qui essaient d’adapter une tradition séculaire à la mode d’un jour. Ceux-ci se créent dans un présent immédiat, auquel ils ont donc du mai à survivre. Il y en a d’autres qui commencent avec un grand détour, un retour aux sources, afin de découvrir comment être vraiment fidèle à celles-ci dans une situation historique inédite. La pensée d’Iqbal est de cette dernière trempe, en fait une réalisation rare et puissante du genre. En traçant son itinéraire, il parvient à mettre dans un échange mutuel fructueux des penseurs et des textes fort éloignés les uns des autres : Nietzsche et Bergson, Halladj et Rûmî, ceux-là et d’autres encore pris dans une relecture du Coran. On a donc encore besoin de lire Iqbal, chacun à sa façon. Par exemple, nous – lecteurs hier de Bergson, aujourd’hui de Heidegger – qui cherchons une compréhension du temps vécu, de l’historicité, au-delà de la fixation objective, spatialisée du temps cosmique, nous aurons intérêt à revoir cela à la lumière de la relecture que fait Iqbal de la conception coranique de  » destinée « . De même, lecteurs de Nietzsche, nous profiterons de la réception iqbalienne du surhomme, dans la foulée de l' » homme parfait  » de la tradition soufie. Charles Taylor.