Malek Bennabi – La lutte idéologique

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Extraits de ” la lutte idéologique” de Malek Bennabi :

Avant propos : L’auteur autochtone et l’auteur progressiste dans la lutte idéologique contre le colonialisme

Il est des thèmes qu’il n’est vraiment pas utile d’aborder si les arguments présentés ne découlent pas d’une expérience personnelle. Une expérience qui permet de les éclairer de l’intérieur.

La lutte idéologique dans les pays colonisés compte parmi ces questions.

[…]

Dans les pays colonisés où, trop souvent, on ignore ce combat bien qu’il se déroule à l’intérieur de nos frontières et qu’ensuite ils en constituent, eux-mêmes l’enjeu

Il y a d’une part cet aspect. De l’autre, nous relevons comment, à l’extérieur, l’auteur progressiste ignore de son côté cette lutte : nous constatons, à titre d’exemple, comment en participant au combat contre le colonialisme aux côtés des colonisés, son action se limite exclusivement au seul domaine politique.

Il se retire et s’en lave les mains dès que ce combat prend l’allure d’une lutte idéologique, comme s’il n’en avait cure, ennuyé par sa nouvelle formule. Il pense, en d’autres termes, que l’homme colonisé a le droit de se défendre tant que cette défense se limite strictement au champ politique, mais, une fois transposée au domaine des idées, il estime que cet homme a mis son nez dans un champ auquel il n’a pas droit.

II est possible d’expliquer une telle situation par la lourde chape d’opacité qui couvre la lutte idéologique dans les pays colonises ; ce qui place les autochtones a l’intérieur et les auteurs progressistes a l’extérieur dans l’incapacité de saisir ses contours. Néanmoins, l’expérience montre que parfois, cette ignorance peut être, d’une façon ou d’une autre, une simple parodie, le fruit d’une simulation. Par ailleurs, les dirigeants politiques nationalistes dans les pays colonises adoptent dans la bataille des idées – pour des raisons déterminées – une attitude neutre ou négative, voire hostile.

En dehors des pays colonises, l’écrivain progressiste adopte, pour sa part une position similaire alors que, engageant le combat contre le colonialisme il se range aux cotes de ce même colonialisme des que cette bataille revêt un aspect idéologique.

En analysant cette attitude étrange, l’on arrive a déduire que l’auteur progressiste est contraint, dans une telle bataille, a répondre a des considérations qui lui sont inculquées ou que son comportement découle dans ce domaine de complexes hérités. Dans les deux cas, son attitude a l’égard de la lutte idéologique dans les pays colonises est une attitude au pire hostile, neutre au mieux.

[…]

A la lumière de ce qui précède, il n’est pas dans mon intention, néanmoins, d’émettre un jugement généralisé au sujet de la littérature progressiste et des auteurs progressistes. Nous relevons dans l’expression de leurs positions en Europe la probité des idées, l’intégrité morale, le courage et la grandeur d’âme. Des qualités qui forcent le respect de tout être respectable.